23.10.07

Dérive de la mère trouble

Les deux lettres qui suivent ont été écrites par ma mère en 1968, après l'année de "l'expo" qu'elle n'a jamais vue, et celle du Général De Gaule qu'elle n'a jamais entendu crier son "Vive le Québec libre!". Ces lettres n'ont jamais été postées. La première s'adressait à une amie pour qui elle fit des ménages toute sa vie. La seconde s'adressait à la famille de mon père qu'elle ne revit jamais, seulement parce qu'elle n'était pas marié avec lui et qu'il avait une autre femme. Elle s'adressait plus particulièrement à Pop, mon grand père, qu'elle aimait beaucoup, et qui avait eut l'occasion d'habiter avec eux.


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"Mai 68.

Mme Halperne.

Bonjour! J'espère que tout va bien pour vous, votre mari, les enfants et votre chien. Ici, nous avons tous la grippe. Serge a été vacciné pour l'école; il commence en septembre. José a eu ses injections pour la polio, puis Colombe est toute pimpante dans le linge que vous m'avez donné. Je vous en remercie, puis vos amies aussi. Ne vous gênez pas, si vous venez à avoir autre chose, je l'accepterai avec plaisir. Ca rend tellement service.

Ma nouvelle adresse est inscrite en haut de la première feuille. Pour le téléphone, c'est le même: 522‑1505.

Ne me gardez pas rancune si je n'ai pas communiqué plus tôt, je suis encore perdue dans la lune. C'est dure de perdre un ami très cher. Il avait beaucoup apprécié vos première tulipe l'an dernier. Il y aura bientôt neuf mois en juin, et c'est comme si c'était arrivé hier. Ma vie serait tellement vide sans les enfants. Pour eux, je dois faire l'effort! Me forcer à vivre...

Au revoir et merci. Il est trois heures du matin, je ne trouve pas le sommeil et j'entend les chats dans la ruelle qui, par leur miaulement, brise le silence monotone de ma demeure à cette heure. Donc, merci encore et bonne chance à vous.

Mme R. Carmen St‑Louis."


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"Yvette, Pop , et Roméo

Chers vous trois.

Ne m'en veux pas si je t'ai fais attendre, car moi‑même, je ne me rend plus compte de mon état. Tous mes sentiments sont émoussés.

J'espère que vous avez passé de gaie vacance et que pour la maladie, tout va mieux. Tu va peut être trouver ma lettre décousues mais mon état d'âme est pareil.

Tout d'abord un gros merci de ma part et des enfants qui sont trop jeune pour le faire comme je le voudrais. Pour eux, ça été un beau voyage. Ils en sont resté tout ravi et tout émerveillé de tant de bonté.

Je comprend bien des choses depuis que "tonton" n'est plus. J'aurais tellement voulu le voir heureux et je ne pouvais pas grand chose pour lui. J'aimerais qu'il vienne me chercher, je ne voyais pas la vie sans lui. Tu ne peux pas comprendre. Je l'aimais tant. J'ai perdu tout intérêt à la vie, on dirait. Je prend soins des petits comme il me l'a demandé, en leur parlant de leur père de temps à autre pour ne pas qu'ils l'oublient. Lorsqu'il fait beau, je vais au parc Fulum avec eux. A part ça, je suis à la maison.

Les deux garçons sont bien, et Colombe mange comme les autres. Maintenant, elle se traîne partout dans la maison et commence à vouloir marcher mais pas seule. Elle se lève debout en s'agrippant à quelque choses puis tombe et recommence. C'est drôle!

J'ai été à la procession de St‑Jean Baptiste avec les enfants. Ils ont aimé beaucoup les fanfares. Mais pour les grandes personnes, les chars n'était pas fameux.

Mais faut que je te dise: lorsque nous devions allé au camp chez toi, Serge voulait coucher avec tante Yvette. Et j'ai dis: mon oncle lui, qu'est‑ce qu'il va faire. Ca là fait rire et moi aussi.

J'ai eut la chance d'aller à la campagne un dimanche avec ma cousine Martine et son mari. Ils ont un bébé, un mois plus vieux que Colombe. Les enfants s'en sont donnés à coeur joie. Je ne les ai pas entendu de la journée. Ce qui a été drôle, c'est que José, c'était la première fois, et en arrivant, je lui dis pourquoi ne vas tu pas jouer avec les autres. Il dit:" Vient me conduire" (les enfants s'amusait sur le chemin fermé). Je lui dis:"Pourquoi?" Les foins étaient haut et en ville on leur défend de passer sur le gazon. Il me répond: "Il n'y a pas de trottoir". Il ne savait pas où passer. J'ai ris, pas de lui, comprend moi bien.

J'ai cru comprendre qu'il y avait grève à St‑Jérome. J'espère que ça ne vous touche pas, ça serais dommage, et je suis sincère.

Donc, un gros bonjour à tous. Je dois aller à l'université le 10 juillet pour les dents des enfants, une offre que j'ai eut. Au plaisir de se revoir et, j’oubliais un détail, mon beau frère a eut un accident d'auto le 25 juin. Ma soeur et son petit ont été plus marqués. Je n'ai pas grande nouvelles vois‑tu, mais une vie monotone. Si vous passez par ici et si le coeur vous en dit, arrêtez. Merci et au revoir à vous trois.

Carmen. "

12.9.07

Dossier de bébé

Hélas, ce cauchemar n'est pas encore finit. Ma naissance s'est produite a peu près de la façon dont je viens de vous la décrire. Je suis né dans une chambre du 4451 Chambord, sur le Plateau Mont‑Royal. C'était chez mon grand père (le père de ma mère) qui louait une chambre à mes parents. C'est vraiment le bon vieux Adrien Robert qui est venu aider ma mère. C'est lui qui a rempli mon "dossier de bébé". On peut encore y lire que je suis né le matin du 19 février 1964 à neuf heures et cinquante minutes, et que je pesais sept livres et demi.

José a toujours eu de la difficulté à répondre à une question aussi simple que: quelle est votre date de naissance? Encore aujourd’hui, il hésite avant de répondre. Est-ce le 18 ou le 19. À l'époque où il était encore un tout jeune homme, il utilisait les deux dates en même temps. Il était inscrit à l'école sur le 19 et sa carte d'assurance maladie utilisait cette même date; mais beaucoup d'autres papiers importants portaient le 18.
En réalité, il est né un mercredi matin, c'est à dire un 19 février. Son père est le grand responsable de toute cette confusion. En signant l'extrait de baptême, il s'est trompé d'un jour et a inscrit le 18. Sa mère dit que c’est parce qu’il a trouvé l’attente difficile et qu’il n’avait pas dormit de toute la nuit.
Alors, quand José a eu besoin de son baptistaire pour avoir un numéro d’assurance sociale (obligatoire pour travailler et surtout, pour payer de l’impôt), il a du utiliser 18 comme date officielle. Imaginez-vous la confusion quand il a demandé des prêts et bourses pour aller au CEGEP, son code permanent était lié au 19 (comme c’était sa mère qui l’avait inscrit à l’école) alors que son dossier d’impôt était au 18. Pour éviter la confusion, José a même trafiquer son extrait de baptême, avec du liquid paper et sa vieille dactylo. Il avait remarqué que les sœurs corrigeaient leurs erreurs comme ça sur les copies officielles. Il a même failli changer son deuxième prénom qu’il n’aimait pas beaucoup : Claïr (celui de son grand-père). Les originaux étant écrits à la mains, la bonne sœur avait crue lire Alain, à la place. Son honnêteté l’avait poussé à lui faire corriger l’erreur, même si en y repensant, ça avait été tentant de changer de prénom.
C’est juste vers 30 ans que José a décidé d’éliminer toute confusion en mettant tous ses documents importants sur le 18 (c’était plus simple que de refaire tous les registres légaux basés sur le baptistaire d’origine).
Malgré ses hésitations constantes, José ne s’en fait plus avec sa date de naissance, il a compris depuis longtemps qu’il pouvait en profiter. Qui peut se vanter d’être né deux jours de suite ? Qui d’autre a la chance de fêter son anniversaire deux fois par année ?




On voit bien la date sur ce petit dessin que sa mère a toujours conservé en souvenir de ses deux ans. José s’est toujours demandé si sa mère ne l'avait pas fait à sa place. Il l’aurait dessiné tout seul, et elle se serait contentée de repasser par dessus avec un crayon feutre pour mieux le conserver. De toute façon, il parait que le docteur qui venait soigner son père lui a dit de le conserver parce que José serait heureux de le voir plus tard. En revoyant ce dessin, il s’est dit souvent, malgré ses doutes, que dès son enfance, il avait une main d'artiste…